Je me souviens d’un jour où une infirmière de pédiatrie s’est énervée très fort. L’enfant dont elle s’occupait hurlait de douleur alors qu’elle essayait simplement de coller un pansement après un soin.
Vous me direz “bah non, en effet, ça ne fait pas mal un pansement ! »
Seulement, cet enfant avait subi des soins très lourds, répétés pendant plusieurs mois. Si bien que sa peur et son ras-le-bol avaient rendu la simple pose d’un pansement vraiment insupportable.
Parfois, même le simple contact d’un vêtement sur la peau ou une caresse peuvent être ressentis comme extrêmement douloureux. Cela s’appelle l’allodynie.
Bien que protectrice, la douleur, qu’elle soit aiguë ou chronique, est souvent vécue comme une expérience pénible voire insupportable. C’est pourquoi l’humanité cherche depuis longtemps à développer diverses techniques et traitements pour l’atténuer.
Parmi ces méthodes, l’hypnose est une approche qui parfois fascine… mais qui est surtout efficace ! Dans cet article, je vous propose justement d’explorer comment l’hypnose peut soulager la douleur.
C’est quoi la douleur ?
Avez-vous déjà remarqué que nous réagissons différemment face à la douleur selon les circonstances ?
Non seulement il existe des variations entre les individus — certains étant très “sensibles”, d’autres plus “résistants” — mais une même personne peut ressentir une intensité de douleur différente en fonction de la situation. Par exemple, un pincement de même force sera perçu comme moins douloureux s’il s’agit d’un jeu entre amis que s’il s’agit d’une vengeance entre ennemis de la cour de récréation.
En fait, la douleur n’est pas simplement une sensation physique. Elle est une perception complexe influencée par de nombreux facteurs comme notre état émotionnel ou le contexte dans lequel elle survient.
Elle est définie par l’International Association for the Study of Pain comme étant
« Une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée ou ressemblant à celle associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle».
En gros, la douleur peut exister même s’il n’y a pas de raison apparente !
L’expérience de la douleur est donc subjective. Seule la personne qui ressent cette douleur peut la décrire et évaluer son intensité. Donc, quand un enfant dit qu’il a mal quand on lui pose un pansement c’est très probablement… qu’il a vraiment mal !
La douleur est un système d’alarme très efficace
Voyons grossièrement comment fonctionne la douleur en suivant son trajet.
Des nocicepteurs
Si je mets ma main dans le feu (oui je sais, c’est une drôle d’idée, mais c’est pour l’exemple) des récepteurs spécialisés pour reconnaître une lésion des tissus à la surface de ma peau vont déclencher l’alerte. Ces cellules nerveuses, qu’on appelle les nocicepteurs, envoient leur message à mon cerveau via la moelle épinière : « Hey ! La petite a mis la main dans le feu, elle est en train de se brûler ! » (oui, mes cellules me croient encore jeune à cause de certains de mes comportements).
La moelle épinière
Une partie de ce message va être traitée directement par la moelle épinière pour activer le réflexe d’enlever ma main du feu. Et ça, sans devoir attendre que mon cortex analyse la situation.
Le cortex
L’autre partie du signal va quand même aller jusqu’à mon cerveau. Là, il va être diffusé dans différentes zones du cortex (ma « matière grise ») qui est responsable, entre autres, de la pensée, de la perception, de la mémoire et des informations sensorielles.
Le signal d’alarme va alors permettre de détecter qu’il y a un problème (pour l’instant, seule la moelle épinière était au courant…), d’évaluer son importance et de concentrer l’attention sur cette information. C’est le boulot de la partie du cortex qui s’appelle le réseau saillant (le nom c’est juste pour faire cultivé(e) dans les repas de famille).
Plusieurs composantes
Puis la zone somatosensorielle va permettre de percevoir plus distinctement quel est le problème : « Tiens, il se passe un truc au niveau de ma main droite… C’est chaud. Ça brûle ! Ça brûle beaucoup ! ». Cela correspond à la composante sensorielle de la douleur.
La zone du cerveau impliquée dans la gestion des émotions ( le cortex cingulaire antérieur), va traiter à quel point la sensation est désagréable et stressante. « Aïe heuuuu, c’est vraiment pas cool cette sensation ! ». C’est la composante émotionnelle qui détermine la pénibilité associée à la douleur.
Le cortex préfrontal va évaluer toutes ces informations et décider de comment réagir à la douleur. Je vais pouvoir penser à cette douleur de façon rationnelle en termes de causes et conséquences. Il s’agit de la composante cognitive. Celle-ci est largement influencée par mes expériences précédentes, par mes croyances en rapport avec la douleur, par mon éducation et mes représentations sociales.
Enfin, la composante comportementale correspond aux gestes que je vais faire pour tenter de limiter le retentissement de la douleur (moi je dis plein de gros mots en mettant ma main sous un filet d’eau fraîche).
Vous comprenez pourquoi c’est chouette que la moelle épinière ait permis que je retire ma main avant tout ça ! Sinon, elle serait probablement carbonisée !
Des endorphines
En même temps, d’autres réseaux entrent en jeu pour essayer de diminuer la douleur. (Avez-vous remarqué comme le cerveau aime bien se contredire des fois ?!). Des substances comme les endorphines (celles qui font qu’on se sent bien après une séance de sport) vont être libérées pour réguler la sensation douloureuse.
En résumé
Le système bien huilé de la douleur est le même chez tout le monde : le message douloureux est envoyé vers le cortex par les nocicepteurs en passant par la moelle épinière.
Ce système d’alarme nous permet de réagir de façon à limiter les dommages. Il nous pousse à prendre soin de la partie lésée, pour retourner à un état neutre. Il nous apprend donc, à sa façon, à survivre !
D’une personne à l’autre, la sensibilité et l’efficacité des circuits nerveux peuvent différer. Et, malheureusement, il arrive que cette belle mécanique grince un peu.
Quand la douleur déraille et s’installe
Comme je vous le disais plus haut, parfois on ressent une douleur alors qu’il n’y a pas de lésion ni de réel danger pour le corps. Comme si le système d’alarme d’une maison se mettait à hurler à la moindre feuille d’automne qui touche une fenêtre. Les câbles qui relient les capteurs au système de commande ou le système de commande lui-même peuvent être déréglé(s).
Dans le corps cela correspond à des problèmes au niveau des nerfs, du cerveau ou de la moelle épinière, qui font que la sensation de douleur est déclenchée même sans dommage physique.
Il arrive aussi parfois que, dans un contexte d’anxiété, de stress ou de dépression, le cerveau réponde en déclenchant une douleur, bien réelle, mais sans cause apparente.
Enfin, le souvenir de la douleur peut, dans certains cas, réactiver cette même douleur alors que la blessure est guérie. Au point qu’une personne peut ressentir de la douleur dans un membre amputé.
Lorsque ces ressentis douloureux perdurent plus de 3 mois, on parle de douleur chronique.
Comment l’hypnose peut-elle aider à soulager la douleur ?
On a vu que l’expérience de la douleur a plusieurs composantes. Et c’est justement sur cela que l’on s’appuie, en hypnose, pour l’atténuer et la rendre plus supportable.
L’hypnose est un état naturel dans lequel nous nous sentons détendu(e). Notre attention est soutenue (on parle d’état de conscience élargi). Et notre rapport au temps, à l’espace et à nous-même est modifié.
Grâce à ces caractéristiques l’hypnothérapeute va pouvoir jouer sur les composantes sensorielle, émotionnelle, cognitive et comportementale de la douleur.
Je vous donne ici quelques illustrations.
Être ailleurs
Dans l’état de transe hypnotique, nous pouvons vivre ce qui s’appelle une dissociation. C’est-à-dire être à la fois ici et ailleurs, en train d’expérimenter une situation inconfortable et pourtant ressentir tout autre chose.
Par exemple, lors de certains soins douloureux, l’hypnothérapeute utilise cette capacité naturelle de dissociation pour permettre à la personne concernée de se couper de son environnement, de s’imaginer ailleurs et de laisser de côté ses ressentis physiques ou de les interpréter différemment (en rapport avec l’endroit où elle pense être).
Moduler les sensations
Sous hypnose, le niveau d’intensité d’une douleur peut être modulé (dans un sens comme dans l’autre !).
L’hypnologue peut, par exemple, proposer à la personne douloureuse de s’imaginer un tableau de contrôle. Elle pourra alors « jouer » avec des potentiomètres pour faire varier l’intensité de sa douleur. Et si la personne est sceptique, elle peut même commencer par augmenter son ressenti douloureux. Si elle y parvient dans ce sens, elle y parviendra également dans l’autre !
De cette façon, l’intensité de la douleur diminue. De plus, en prenant conscience de cette capacité à agir sur sa douleur, la motivation de la personne à prendre soin d’elle se renforce.
Transformer la douleur
Une autre façon de se rendre compte du contrôle que l’on peut avoir sur sa douleur est de « s’amuser » avec ce que l’on nomme la réification.
Il s’agit d’imaginer sa douleur comme un objet tangible et de prendre le temps d’observer ses caractéristiques spécifiques.
Puis on va s’entraîner à modifier ces caractéristiques, en changeant la couleur, la forme, la texture, etc. En transformant cette image, on transforme le ressenti douloureux.
On peut aussi transformer cet objet symbolisant la douleur en un autre objet associé à quelque chose de plus confortable. Ou carrément le faire disparaître !
C’est comme ça que j’ai vu une cliente qui décrivait sa migraine comme une éponge, commencer à l’essorer avant de la faire s’évaporer. Et repartir débarrassée de sa douleur !
Décentrer son attention de la douleur
Lorsque l’on souffre de douleurs chroniques, il est souvent difficile de penser à autre chose. Cela peut envahir tous les pans de la vie et on peut avoir tendance à s’isoler. L’hypnose permet de ré-élargir le champ de vision.
L’hypnologue peut, grâce à des suggestions positives inspirées par les souhaits de la personne douloureuse, proposer de regarder sa situation avec un pas de côté (ou d’autres lunettes). La personne peut alors reporter son attention sur les éléments intéressants de sa vie et remarquer ses ressources internes et externes pour mieux gérer la douleur.
Mieux gérer les émotions
L’hypnose peut aider également à reprogrammer la réponse émotionnelle à la douleur.
En vivant des moments de détente, en reprenant le contrôle de sa respiration et en visualisant des scénarios où l’on se sent bien, on peut atténuer les sentiments de peur, d’anxiété et de stress associés à la douleur.
Parce qu’en imaginant des scénarios où l’on est sans douleur, confiant(e), ou capable de surmonter des défis, on active les mêmes régions cérébrales que si l’on vivait réellement ces expériences.
En répétant ces visualisations, on renforce les connexions neuronales associées à ces états positifs. Cela devient plus facile de se sentir mieux et on peut aussi commencer à changer nos représentations de la douleur.
C’est-à-dire qu’on peut la percevoir différemment, lui donner un autre sens et comprendre intimement le lien qui peut exister entre elle et des pensées négatives.
On entre alors dans un cercle vertueux ou non seulement, le vécu douloureux est plus faible mais en plus on sait mieux le vivre !
Vous pouvez agir vous-même sur votre douleur !
Il est fort probable que, même sans vous en rendre compte, vous ayez déjà mis en place différentes stratégies pour supporter une douleur, qu’elle soit aiguë ou chronique.
Prendre conscience que vous avez vraiment la capacité d’agir sur votre ressenti de la douleur peut déjà suffire à l’atténuer.
Quand vous comprenez que « la peur et le contrôle sont les boutons du volume de la douleur » (dixit Amy Baxter dans une conférence TED d’avril 2023) et qu’avec de l’entraînement vous pouvez justement reprendre le contrôle, alors vous ne vivez plus votre douleur de la même façon.
Ce qu’il y a de vraiment chouette avec l’hypnose, c’est qu’une fois que vous avez pu vivre ces transformations de votre douleur accompagné(e) d’un hypnopraticien, vous pouvez apprendre à faire pareil par vous-même.
Et plus vous pratiquez l’auto-hypnose, plus cela deviendra facile pour vous d’avoir une action positive sur votre douleur et donc, de mieux la vivre au quotidien.
Osez l’hypnose pour soulager vos douleurs !
La douleur – chronique en particulier – peut vraiment faire de votre vie un enfer (assez bien illustré dans l’adaptation cinématographique « les sorcières d’Eastwick » de Georges Miller). Mais ce n’est pas une fatalité !
L’hypnose ericksonienne est un outil efficace qui vous aide, grâce à des techniques de suggestion et de relaxation profonde, à modifier votre perception de la douleur et prendre confiance dans votre capacité à la transformer pour vivre mieux au quotidien.
Alors? Vous tentez l’hypnose ?
Pour rédiger cet article
Je me suis appuyée sur ce site :
Sur cet article :
https://www.revmed.ch/view/499545/4116946/RMS_idPAS_D_ISBN_pu2012-25s_sa06_art06.pdf
Sur cette conférence TED :
Et sur cette animation :
Vous trouverez également des informations intéressantes sur :
https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/douleur/article/la-douleur#
https://www.vidal.fr/maladies/douleurs-fievres/prise-charge-douleur.html
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